Evolution de l’emploi industriel dans les régions françaises de 2006 à 2021

Alors que le débat fait rage depuis des années sur le thème de la ré-industrialisation de la France, laquelle serait en cours pour les uns et une chimère pour les autres, il est bon d’alimenter ce débat en nous aidant des données en ligne de l’URSSAF concernant l’emploi salarié privé.

Ce sujet est éminemment stratégique et ceci pour deux raisons :

* d’une part, il impacte la souveraineté économique de la France et sa capacité à produire ce qu’elle consomme.

* d’autre part, il concerne l’environnement puisque ce qui est produit loin éloigne le producteur du consommateur et entraîne des flux de marchandises en camion, en bateau ou en avion ce qui engendre autant d’émissions de gaz à effet de serre. Ajoutons que ce qui est produit localement est aussi produit sous les lois et normes françaises et européennes.

Avant de présenter les chiffres, quelques rappels d’ordre méthodologiques :

(1) Les données de l’URSSAF concernent uniquement l’emploi salarié privé. Ne sont donc pas pris en compte : les travailleurs indépendants non salariés, ce qui écarte les artisans libéraux non employeurs, l’emploi public et enfin l’emploi non déclaré.

(2) les données de l’URSSAF présentent l’emploi localisé à la commune et selon la typologie définie dans la Nomenclature d’activité française (NAF). Le classement de ces emplois est opéré selon l’activité principale de l’établissement où travaille l’individu et non pas selon l’emploi lui-même, c’est à dire qu’un emploi de comptable dans une usine de fabrication de pneus est classé industriel.

(3) L’externalisation de certaines activités localisées dans les établissements industriels peut engendrer une baisse artificielle de l’emploi industriel. Par exemple, si une usine décide de supprimer son service comptable de 10 personnes pour externaliser cette activité auprès d’un cabinet comptable, l’emploi industriel baissera de 10 personnes, alors que l’emploi dans les activités de service aux entreprises augmentera d’environ autant.

(4) L’accroissement de la productivité du travail des entreprises engendre une baisse de l’emploi, toute chose égale par ailleurs, c’est-à-dire à production égale. Ainsi, la baisse de l’emploi ne signifie pas nécessairement une désindustrialisation, mais aussi une possible amélioration de la productivité du travail.

Ceci étant dit, que nous disent les données de l’URSSAF ?


Palmarès 2021 : Auvergne Rhône Alpes demeure la première région industrielle française

Pour commencer, la France comptait en 2021 près de 3 millions d’emplois dans ses établissements industriels.

Ces emplois sont répartis dans les régions françaises selon le graphique suivant.

Il apparaît qu’avec 471 000 emplois, la région Auvergne Rhône Alpes est incontestablement la première région industrielle française. Elle rassemble en effet 15% de l’emploi national alors qu’elle ne représente que 12% de sa population.

L’Ile de France constitue la seconde région industrielle avec plus de 407 000 emplois, loin devant la région Grand Est et les Hauts-de-France.

La région des Hauts-de-France n’est que la 4e région pour la force de son industrie.


Evolution 2006 / 2021 : l’Occitanie et les territoires d’outre mer à la fête !

Les données de l’URSSAF nous permettent désormais de décrire les tendances depuis 2006.

Sur cette période, l’Occitanie est la seule région du continent à avoir connu un accroissement des effectifs. Concernant les territoires insulaires, ils ont tous connu une hausse des effectifs industriels à l’exception de la Martinique qui a connu une baisse (modeste) de l’emploi.

Pour les autres régions, c’est une baisse plus ou moins prononcée.

La région des Hauts-de-France est la région qui a connu la plus importante chute des effectifs en pourcentage avec une baisse de plus de 25%. Suivent le quart-nord est de la France avec des baisses similaires.

Sans véritable surprise, c’est la façade ouest de la France et sa partie sud qui ont connu des performances meilleures que la moyenne française (-14,8%).


Plus de 515 000 emplois industriels perdus à l’échelle de la France

La même analyse, mais cette fois en volume, nous montre que la France a perdu 515 000 emplois industriels depuis 2006.

Trois régions ont perdu plus de 90 000 emplois : l’Ile-de-France, la région Grand-Est et les Hauts-de-France.


La crise du COVID moins violente que celle de la crise financière de 2008

L’analyse des variations annuelles sur l’années du COVID et les deux années qui l’entourent (N+1) et (N-1) illustre l’impact de la crise du COVID sur l’emploi industriel.

3 éléments peuvent être mis en avant :

1/ La crise du COVID s’est déroulée dans un contexte de croissance de l’emploi industriel en France et dans la majorité des régions françaises. Comme évoqué précédemment, seules les régions Hauts-de-France, Grand-Est et Bourgogne Franche-Comté avaient subi une baisse de l’emploi industriel avant le COVID.

2/ Toutes les régions françaises ont connu une baisse de l’emploi industriel entre 2019 et 2020. Cette baisse a frôlé 2% à l’échelle nationale.

3/ La France a connu une reprise de l’emploi industriel dès 2021 avec une hausse de l’emploi de 0,6% à l’échelle nationale. Seules les régions Ile-de-France, Bourgogne Franche-Comté et Centre Val de Loire n’ont pas réussi à stopper la chute de l’emploi. Notons enfin que seule la Bretagne et la région PACA sont les deux régions qui ont connu les dynamiques les plus favorables entre 2020 et 2021.

En comparant la crise du COVID avec la crise financière de 2008, nous constatons que la situation est très différente sur trois points :

1/ La crise financière s’est déroulée dans un contexte de crise industrielle. Ainsi, avant la crise, l’emploi industriel s’était contracté de 2,2% à l’échelle française.

2/ La chute de l’emploi en 2008 a été autrement plus violente avec une chute de 5,5%.

3/ Le rebond ne s’est pas produit en 2009 puisque la chute de l’emploi industriel s’est poursuivi à un rythme soutenu de -1,8% à l’échelle nationale.


Bretagne et PACA : seules régions à connaître une croissance positive de l’emploi industriel sur la période COVID et post-COVID

Une dernière analyse nous permet de connaître les variations annuelles moyennes par grandes périodes depuis 2006.

En effet, nous constatons que dans toutes les régions, la période 2006 / 2010 a été la plus désastreuse pour l’industrie avec une chute moyenne annuelle des effectifs de plus de 2,5%, chiffre qui a même atteint 3,5% pour les Hauts-de-France.

Même si la crise s’est poursuivie ensuite, elle a été moins sévère puisque les effectifs ont baissé de manière moins forte (-0,9% à l’échelle nationale).

Enfin, la période 2015 / 2019 a connu une hausse des effectifs industriels en France. Elle fut certes modeste, mais avec une hausse de 0,1% des effectifs en moyenne annuelle, la période marquait presque un renouveau, porté en particulier par les régions Auvergne Rhône Alpes, la Nouvelle Aquitaine, les Pays de Loire, et l’Occitanie. Notons que les Hauts-de-France et le Grand Est ont connu des baisses significatives sur la période.

Pour terminer, la période COVID a très clairement marqué une rupture dans la dynamique observée sur la période 2015 / 2019. En effet, même si cette période a été marquée par une première phase de baisse sensible (2019 / 2020) suivi d’un rebond souvent significatif (2020 / 2021), il n’en demeure par moins que sur cette période de trois années, le taux de variation est repassé dans le rouge à l’échelle nationale. Seules les régions Bretagne et PACA ont connu une hausse des effectifs sur la période.


En attendant 2022

Même si l’année 2021 a marqué une reprise de l’emploi industriel, cette reprise n’a pas compensé la chute de l’année 2020 qui fut celle du confinement.

Notons que la crise du COVID a été moins violente que celle de la crise financière, ceci grâce au importantes aides de l’Etat qui ont permis de maintenir l’appareil industriel, ce qui n’avait pas été le cas en 2008.

L’année 2022 sera décisive.

Soit elle marquera la poursuite du rebond, permettant de retrouver la dynamique positive observée sur la période 2015 / 2019, et aussi de retrouver le niveau de l’emploi industriel de l’année 2019.

Soit, elle replongera l’industrie dans une spirale négative de la longue période qui a précédée 2015.

Seuls les chiffres de l’URSSAF pour l’année 2023 nous permettront de tirer ce bilan.

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Image de couverture : Image par Jonathan de Pixabay